HUMEX


FOALS
INTERVIEW
16NOVEMBRE2008
NANTES, OLYMPIC



Cette interview était très mal barrée d'avance. On se pointe à la salle, on tombe sur le connard d'organisateur de chez Alias (le genre de type qui prend tout le monde de haut et croit être quelqu'un de très important) qui nous avait envoyé chier la veille quand on était venus pour Late Of The Pier (certes, sans interview prévue...) Yannis, le chanteur de Foals, a mal à la gorge et tanne l'enfoiré d'Alias pour obtenir un sirop, des pastilles, n'importe quoi qui pourrait soulager sa voix... ce que ledit enfoiré ne semble pas comprendre puisqu'il s'échine à expliquer à Yannis que les pharmacies sont fermées le dimanche et qu'en gros, il a pas que ça à foutre. On sort notre traditionnelle bouteille de vin, histoire de détendre l'atmosphère, Yannis nous répond qu'il s'est pris une grosse cuite la veille et qu'il peut pas commencer à boire maintenant parce qu'il a encore la gueule de bois (il est 15:00). En effet, là il est à l'eau… Le type d'Alias se décide enfin à partir chercher une pharmacie de garde, quand, apparition divine, je me souviens que j'ai des pastilles pour la toux dans mon sac. J'en propose à Yannis, dont le visage s'illumine alors, "really, I can ? Thank you so much". ET BIM le connard d'Alias !






STAGE INVASION : Pourquoi avez-vous choisi Foals comme nom pour votre groupe ?
YANNIS : Un ami à nous l'a choisi à notre place. C'est le genre de mec qui pense à monter un groupe dans sa tête, mais qui ne le fait jamais, et un des groupes auquel il avait pensé était Foals. En fait, quand on a commencé à jouer, il est arrivé avec ce nom. C'est seulement un nom, on n'y accorde pas beaucoup d'importance. On voulait quelque chose qui laisse planer le mystère, qui ne dévoile pas tout comme la plupart des groupes de nos jours. Comme ce groupe, Cannibal Corpse... tu sais à l'avance qu'ils vont jouer du métal. On voulait rester vague, ouverts...


// En un mot, comment décrirais-tu Oxford, la ville d'où vous venez ?
YANNIS : Un mot? ... Surréaliste. Parce que c'est assez gothique... oh, je peux pas, tu m'as demandé en un seul mot, pardon ! C'est une ville très étrange, il y a l'université, et tous les bâtiments sont très vieux, c'est artistique. Si tu aimes fumer de l'herbe, et t'investir dans la musique, tu sors très rapidement des rangs, c'est très... (il fait semblant de remettre sa cravate, comme les étudiants de l'université d'Oxford, ndlr). Donc si tu t'engages dans des trucs, des "mauvais" trucs, tu te fais très vite des amis du même style, et c'est la même chose quand tu fais de la musique.


// Tes paroles sont très illustrées, comme "we'll fly balloons on this fuel called love", ou "these vessels our hearts swells up which makes us explode"... Il y a quelque chose de très poétique dans tout ça. D'où provient ton inspiration ?
YANNIS : J'ai longtemps beaucoup lu, et quand on a commencé à écrire les paroles de notre premier album, d'une certaine façon, je voulais créer des images derrière tout ça. J'aimais l'idée que ma voix allait pénétrer, et que quand les gens allaient écouter l'album, ce serait comme si je décorais l'intérieur de leur âme. Je voulais être un décorateur. Je ne voulais pas vraiment des paroles qui racontaient une histoire. Je voulais avoir des couleurs expressives, un peu comme une machine à images, tu vois ? J'étais plus intéressé par les émotions que ça allait procurer que par raconter des trucs concrets, comme la réalité. Mais je pense que ça va changer sur le prochain album, parce qu'à l'origine je voulais communiquer, mais les gens n'ont pas compris les paroles, donc c'est ma faute, d'une certaine façon... Donc je pense que sur le prochain album je vais trouver une manière pour faire ça... Je pourrais écrire de la même façon mais c'est moins évocateur pour les gens.


// Que représente le symbole du corbeau dans le clip de Balloons ?
YANNIS : Eh bien, tu as les ballons, et le carburant qui est noir, froid, on voulait avoir beaucoup de choses. Il y a les papillons qui sont collés sur le mur, ce qui représente la foule car c'est noir, et assez froid, et cette foule va s'embraser, c'est ce que j'aime. Le clip doit comprendre une dizaine de représentations différentes de cette phrase, donc ce n'était pas un symbole spécifique, on voulait évoquer plus que ça. Et on voulait avoir des oiseaux aussi, parce que quand un label te file de l'argent pour faire un clip, ça te permet de faire des choses que tu ne serais jamais amené à faire dans la vie, comme avoir des corbeaux qui volent autour de toi.


// Vous êtes actuellement en tournée avec Friendly Fires, les Virgins et Wild Beasts. Y a-t-il un groupe avec lequel tu t'entends particulièrement bien ?
YANNIS : (immédiatement) Pas vraiment, non, je n'ai pas d'affinités avec un groupe en particulier. Mais, j'aime bien les Wild Beasts, et Friendly Fires aussi. En fait, on a déjà tourné avec les Wild Beasts avant le festival des Inrocks, donc on est un peu des vieux amis. Mais les Friendly Fires sont sympas, on est un peu sortis avec eux ces derniers jours. C'est un bon groupe.


// Ça t'arrive souvent de te recouvrir de boue, de détruire des écrans de télé et de casser des matelas, comme dans le clip de Olympic Airways ?
YANNIS : Euh, pas vraiment. En fait, il y a une époque où on s'amusait à casser tout un tas de trucs, mais on s'est calmés depuis. C'est ce que je te disais à propos des clips, faire un clip c'est dur. Je pense qu'à moins que tu n'aies... il y a une vraie différence entre faire un vrai bon clip, comme un clip de Missy Elliott, qui a des millions de dollars à disposition pour faire un truc vraiment progressif et visuellement génial, et des clips de groupes de rock indépendant ; on a moins d'argent, et c'est très limité, ce n'est pas du tout ambitieux, artistiquement. La plupart du temps, avec ces clips, on se dit juste "faisons quelque chose qu'on va apprécier faire."
// Je ne pense pas que tu aies nécessairement besoin de dépenser des millions de dollars pour faire une bonne vidéo. Je trouve les clips d'Olympic Airways et Balloons visuellement très réussis.
YANNIS : Non, je sais, mais dans ma tête, je voulais juste faire des clips qu'on ne pouvait pas physiquement faire, tu sais c'est ça le truc, donc je pense que la grosse idée autour des vidéos de rock indépendant c'est... euh... Je veux seulement faire de la musique, vraiment.


// Est-ce que tu connais le nom du président français ?
YANNIS : Sarkozy. Nicolas Sarkozy. Et sa mère était très dominatrice, et sa femme est une actrice... euh, un mannequin, un ancien mannequin... Ou peut-être qu'elle l'est toujours ? Elle s'appelle Carla Bruni. Est-ce que vous l'aimez bien, Sarkozy ?
// Non, pas vraiment. En général, les jeunes ne l'aiment pas...
YANNIS : Ah ouais ? Est-ce qu'il est comme Tony Blair ?
// Pas vraiment ! Déjà, ce n'est pas le même mouvement politique...
YANNIS : Il est quoi ? Est-ce qu'il est plus de droite ?
// Il est carrément de droite. Plus conservateur, etc...
YANNIS : Ouais mais quand même pas autant que Le Pen... Vous voyez ce que je veux dire ? Oui, je connais Le Pen. On a la même chose en Angleterre avec le BNP (British National Party, ndlr). Ce ne sont que des connards. C'est tout.


// C'est quoi ta solution à la crise économique ?
YANNIS : Ma solution à la crise économique ?! (rires) Je pense que les hommes d'affaire devraient juste fumer plus d'herbe ! Je m'en fous un peu, pour être honnête, bizarrement... Mon attitude vis-à-vis de l'environnement est la même : je tends à penser que l'on a créé tout ça, donc d'une certaine façon, on mérite ce qui arrive maintenant. Je pense que notre civilisation récolte ce qu'elle a semé. Tout ça est tellement pourri, pas l'humanité en elle-même, mais ce qui a été foutu en l'air. On peut essayer de le réparer, on peut essayer de sauver quelques livres sterling, on peut prétendre qu'on va vivre sur une planète plus verte, mais il y a une raison pour laquelle on en est là aujourd'hui, et c'est comme pisser dans un violon, tu vois ? Tout est déjà tellement pourri... Je ne sais pas ce que je vais faire. Je vais me procurer des flingues, je vais m'enfermer dans une boîte, retourner à Oxford avec mes plus proches amis et je vais attendre que les zombies débarquent... Et ça va être carrément sympa !


// Est-ce que les stage invasions te dérangent ?
YANNIS : Non, ça ne me dérange pas. A un moment ça arrivait beaucoup, tellement que ça en devenait agaçant, mais ça fait un bout de temps que ça ne s'est pas produit. Pourquoi ? Vous avez l'intention de faire ça, les mecs ?
// Ouais, pourquoi pas.
WALTER : Vous nous avez déjà vus jouer en live ?
// Oui, deux fois. L'été dernier, à La Route du Rock...
YANNIS : Au bord de la mer ? Et Fuck Buttons jouait dans une salle, à l'intérieur ? Ouais, c'était cool.
// Et au début de l'année, à Rennes...
YANNIS : Okay... Eh bien je pense que ça serait cool, mais je vais sûrement aller faire un tour dans la foule.
// Il y a des types de la sécurité sur la scène. Ils ont viré les gens qui montaient sur la scène hier soir...
YANNIS : Qui jouait hier ?
// The Ting Tings, Cajun Dance Party, Late Of The Pier...
YANNIS : Comment était Late Of The Pier ? Bien ?
// Ouais. Ils ont été le premier groupe à jouer et ils ont été carrément bons.
YANNIS : Meilleurs que les Ting Tings ?
// Ouais... Même si les Ting Tings se sont bien défendus.


// Quelle est la chose la plus stupide que tu aies faite dans ta vie ?
YANNIS : Que j'ai jamais faite ? J'ai fait pas mal de trucs très très stupides !
// La dernière, alors ?
YANNIS : Je me suis fait ça à un concert qu'on a joué (il montre une cicatrice d'une quinzaine de centimètre sur son biceps gauche, ndlr). Il y avait ce groupe, j'arrive pas à me souvenir de leur nom... C'est comme l'entreprise de médicaments... Peu importe, il y avait deux batteurs, deux guitaristes, deux bassistes. C'était Jack (le batteur de Foals, ndlr) et un autre batteur, on jouait ce petit concert avant que Foals n'existe, on est devenus carrément dingues et je ne me souviens pas vraiment de ce qui s'est passé ensuite mais... Ouais, je vais choisir ça : c'est le truc le plus stupide que j'ai fait, parce que c'est là pour le restant de mes jours. Ce truc s'est pointé vers mon bras et ça a fait ça.
Ah, et aussi, je me suis fait virer d'un job parce que j'ai foutu le feu au capot d'une voiture... J'ai fait pas mal de choses stupides.


// Selon toi, quel est le pire groupe du moment ?
YANNIS : Du style, le pire groupe qui devient assez connu ? Comme un succès non mérité ? Euh... je sais pas vraiment. Jimmy, qu'est-ce que t'en penses ?
JIMMY : En fait je pense qu'il n'y a pas de pire groupe.
YANNIS : Oh, non, non ! The Wombats !
JIMMY : Non...
YANNIS : The Ting Tings, alors ?
JIMMY : Ouais.
YANNIS : Tu sais, ce qui est une honte avec la musique indépendante qui devient plus populaire c'est que maintenant c'est un moyen pour les gens qui veulent faire carrière. Ils veulent être célèbres, et c'est comme un outil pour eux à présent, et ce n'est plus du tout indépendant. Ça a été corrompu par les majors et les maisons de disques.


// Quel est ton alcool préféré ?
YANNIS : Probablement le whisky. Le scotch.
// C'est ce que tous les groupes répondent !
YANNIS : J'aime un type spécifique de whisky, qui sent essentiellement très fort... Je ne me souviens jamais du nom.
// Quel membre du groupe va finir complètement raide mort ce soir ?
YANNIS : On va tous finir comme ça ! Mais on veut être à peu près capables d'assurer le concert quand même... Donc la picole, c'est pour après.


// Est-ce que tu peux trouver un titre à cette interview ?
YANNIS : Vous avez de bonnes questions les mecs ! Euh... Comment s'appelle ce truc là ? Le truc pour la gorge ? (Il montre la plaquette de pastilles, ndlr)
// Humex !
YANNIS : Humex ? Cool.



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FOALS.
album Antidotes (Transgressive)



1 commentaires:

Eithne Yvy a dit…

je crois que c'est une des meilleur itw de foals que j'ai lue. et dieu sait que j'en ai lue!
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