BAIN DE BOUE À LA ROUTE DU ROCK


LA ROUTE DU ROCK 2010
LIVE REPORT
13, 14 & 15AOUT2010
SAINT-MALO


De mémoire de breton, on n'avait jamais vu ça. En tout cas pas depuis plusieurs années. Autant de pluie et donc, de boue, cela relevait de la phobie de tout festivalier. Des conditions climatiques certes dantesques, pour ne pas dire maudites, mais qui n'ont toutefois pas trop entaché le bon déroulement des concerts. Encore heureux.




VENDREDI 13 AOUT

Quand on s'installe sur un festival pour trois jours, la première chose qu'on fait en arrivant, à part dire adieu aux mots confort, sommeil et hygiène, c'est d'installer sa tente deux secondes. Et en ce vendredi après-midi, ironie du sort, le terrain est tellement sec qu'on peine à enfoncer les sardines. Sec, il ne le restera pas longtemps.

19h30. Captivant, c'est le mot que l'on peut considérer comme le moins adapté au concert des Dum Dum Girls à la Route du Rock. Malheureusement. Inutile donc d'essayer de tartiner du Boursin sur cette performance, les californiennes ont déçu. On en restera à la version album.

Le deuxième à inaugurer le Fort de St Père cette année est Owen Pallett. L'ex-Final Fantasy entre en scène, affrontant tant bien que mal le soleil de pleine face (les derniers rayons du festival, mais ça, on ne le savait pas encore). Toutes Clubmaster dehors, la ressemblance avec Bradford Cox aka monsieur Deerhunter est frappante, d'autant plus que le groupe occupait exactement le même créneau horaire un an plus tôt. Pause nostalgie off. Le concert débute, et l'univers d'Owen Pallett semble alors être une agréable découverte pour la majorité des festivaliers. Un guitariste le rejoint par moments sur scène, et même si cela est difficilement avouable, il faut bien admettre qu'au bout de plusieurs morceaux, la musique finit par tourner en rond (trop de violon tue le violon). Le rappel finit par arriver, et le point d'orgue du concert par la même occasion, puisque Pallett entreprend une -divine- reprise d'Odessa de Caribou, qui joue lui aussi ce soir, plus tard dans la nuit. En conférence de presse, l'intéressé répondra d'ailleurs qu'il est très bon ami avec Pallett, et que le clin d'oeil l'a touché.




Après le concert de Yann Tiersen et sa joyeuse troupe dans un style très Arcade Fire assez surprenant (concert passé à la trappe faute de motivation), c'est au tour des Black Angels de prendre place. Avant même que la première note ne soit jouée, le nombre affolant d'amplis sur scène laisse présager l'indispensabilité des protections auditives. Ça ne loupera pas. Le concert a des airs mystiques, et ce ne sont pas les larsens dont nous assène le groupe qui risquent d'atténuer le psychédélisme de la performance. On est à deux doigts d'une cérémonie pseudo sectaire dans la campagne malouine, manquent juste deux-trois chamans, et un désert. Un des grands moments du festival.

On savait que les types de Liars étaient de sacrés phénomènes, un peu tête brûlée et tout, et effectivement, leur concert s'est révélé à la hauteur de la réputation. Les trois bières avalées en moins de quinze minutes par le chanteur lors de la conférence de presse n'ont certainement pas été les seules ingurgitées, à voir ses agissements sur scène. Et vas-y que je te débranche mon micro à maintes reprises à force de trop tirer sur le fil, que je casse tout mon matériel en titubant, que j'entame le début de La Marseillaise a capella, et que je dis des "je t'aime" enivrés à l'ingénieur du son (femme) qui vient toutes les deux minutes réajuster le matos. Bon, ça c'était pour la perpétration de la légende. Niveau musique, ben c'était du Liars : noise à fond, mais sans véritable moment d'excitation réelle, de pur plaisir. De la perplexité toutefois amusée, voilà le sentiment général qui restera de ce concert.

Confesser qu'Owen Pallett nous avait mis l'eau à la bouche avec sa version d'Odessa n'est pas peu dire. Et l'attente n'aura pas été vaine, puisque le canadien et sa troupe qui "n'utilisent que 4m² sur scène" ont assuré quelque chose comme le meilleur concert de la soirée avec celui des Black Angels. Un set précis, carré (comme la disposition des musiciens sur scène), mais qui n'enlève rien à la fraîcheur et la magie de la musique de Caribou, particulièrement céleste ce soir-là, d'autant plus que c'est la divine Leave House qui ouvre le bal. Dernier moment de grâce avant que le ciel ne se charge en gros nuages.





SAMEDI 14 AOUT

Cette journée du samedi (désormais communément appelée "Day 2: Le Déluge" par les festivaliers de la Route du Rock édition 2010), a marqué les esprits, c'est peu de le dire. Réveil en fanfare à 10h, par une pluie quasi torrentielle qui s'abat sur un champ de Quechua à perte de vue. Impossible de se rendormir étant donné le volume sonore des torrents qui déferlent sur la toile de tente, et prendre le risque de mettre le nez hors de sa tente est alors tout simplement inenvisageable, sous peine de finir trempé comme une souche ET embourbé dans la boue qui s'est invitée entre les tentes. Pour tout festivalier, c'est le scénario cauchemar tant redouté. Entre grosses averses et crachin, la pluie ne s'arrête pas avant 16h30, ce qui nous fait donc plus de six heures enfermé dans une tente, à imaginer l'état du terrain sur le site du festival. Bien entendu, inutile d'envisager se rendre à la plage. Le moral prend un méchant coup.

A partir de 16h30 et jusqu'au concert de Foals s'en suit une succession d'événements, du style : persuasion de l'indispensabilité d'aller prendre une douche malgré les conditions climatiques, douche, manquement à une dizaine de reprise de m'étaler de tout mon long dans la boue sur le chemin pour aller à l'espace presse, interview de Two Door Cinema Club, mort définitive de mes chaussures, ouverture des portes du festival, défilé de mode collection RDR 2010 (tendances de la saison : le kway, les bottes de pluie, les bottes de pêche, les sacs poubelle transformés en cirés de fortune. Couleurs de la saison : bleu marine, kaki, marron).




Ce quatrième concert de Foals s'annonçait comme l'occasion de constater en live l'efficacité des titres du nouvel album, que j'aime à qualifier de lar-ge-ment supérieur au premier. Et la déception n'a pas été au rendez-vous (enfin, presque pas). Bien qu'une écoute live et studio du groupe diffère généralement assez peu, force est de constater que c'est une musique qui fonctionne très bien devant un public, rythmes saccadés et nombreux riffs entêtants à l'appui. Le set ouvre avec Total Life Forever, puis les éternels Cassius, Olympic Airways et Balloons, agrémentés des derniers singles Miami et Spanish Sahara. Entre deux chansons, Yannis, le chanteur, nous demande s'il pleut encore. DIEU MERCI non, en même temps on a eu notre dose pour un bon mois vu tout ce qui est tombé dans la journée et qui a inondé tout le site du festival (camping compris). Après ça, on se dit que c'est le moment. Le moment de Black Gold, définitivement l'une des perles du dernier album. Eh bien non, c'est l'interminable (car il faut bien le dire) After Glow qui est jouée, et il n'y aura pas de Black Gold. Petite déception du concert donc, mais à côté de cela, l'autisme apparent de tous les membres du groupe n'enlève rien à leur énergie sur scène.

N'étant ni une grande adepte, ni une grande connaisseuse de la musique de Massive Attack, j'ai trouvé leur concert globalement long, pour ne pas dire à certains moments interminable. Le mot est lâché. Bon, il faut bien avouer que le contexte très boueux de la soirée n'a pas facilité le courage d'aller s'immiscer dans une foule compacte de plus de 10 000 personnes apparemment majoritairement venues pour le groupe (et seulement pour le groupe), agglutinées aussi bien devant la scène que devant l'écran géant, et s'enfonçant de la boue jusqu'aux chevilles. Donc, au bar, de loin, Massive Attack c'était surtout un compteur qui défilait de façon assez stroboscopique, à l'aide de titres d'articles de journaux du style "Sarkozy, voyou de la République", et de chiffres représentant soi-disant le déficit de P.I.B de la Grèce. Bon, on n'a pas bien saisi le côté politiquement engagé du concert, surtout de la part de deux types qui arrivent à un festival en jet privé, mais soit.




Étant donné que ce n'est pas vraiment sur Massive Attack qu'on allait shaker nos booties et tapoter frénétiquement du pied par terre (ou clapoter dans les flaques, plus précisément), on est content de voir Two Door Cinema Club monter sur scène. A défaut d'être relativement surprenant ou très différent de l'album, le concert n'en est pas moins énergique, frais et dansant et, franchement, on ne leur en demande pas plus à 1h du mat', après deux heures de massive arnaque.

Fin du concert des trois irlandais, deux choix s'offrent aux festivaliers : rester au Fort de St Père et assister à quelque chose comme un cinquième concert de We Have Band en deux ans, ou migrer vers L'Escalier, boite de St Malo, pour les dj set de Tim Sweeney et Tim Goldsworthy. D'humeur aventurière, j'opte pour la deuxième solution avec deux amies. Passage obligé avant de se rendre à l'Escalier : le changement de tenue. En effet, pas sûr que les boots pleines de boue soient du meilleur effet devant les videurs. Une heure plus tard, arrivée à bon port, pour une nuit (déjà bien entamée) d'électro très axée DFA Records. En effet, Tim Goldsworthy n'est autre que le fondateur du label (avec dieu James Murphy et un autre comparse), et Tim Sweeney en est un grand adepte. A première vue, c'était plutôt bien parti. Et pourtant. Est-ce la faute au public (on aurait pu compter sur les doigts d'une main les personnes présentes pour voir les deux dj, le reste étant seulement là pour une soirée en club classique), ou à des sets justement mal adaptés à un public "étranger" ? Le fait est que le tout ne collait absolument pas, et que ça a immanquablement et magistralement plombé la soirée.





DIMANCHE 15 AOUT

J'aurais bien aimé pouvoir dire que le concert de Ganglians était à l'image de leur album, c'est-à-dire génial, de manière à la fois surprenante et déconcertante. Mais puisque le groupe a annulé sa venue à la Route du Rock cinq jours avant son concert, et qu'il a été remplacé par Thus:Owls, je ne peux rien dire de ça, seulement qu'on a grandement regretté l'absence de la pop psychée des américains.

Soyons honnête : Archie Bronson Outfit était jusqu'alors un groupe totalement inconnu avant leur passage au festival. Et après… également. La raison à cela ? Une musique peut-être trop peu percutante, mais surtout, une vision d'horreur/à mourir de rire dans le public pendant le set du groupe. Un type, Jean-Michel de son prénom, portant à merveille les leggings fluo façon années 80/Véronique & Davina, totalement arraché (il est 21h à tout casser), en train de pisser, au milieu de la foule, dans une énorme flaque de boue, et surtout, entre les jambes d'un de ses potes, l'air de rien. Inutile de préciser que le type s'est ensuite ramené, a tenté d'engager la conversation, et vas-y que je te fais la bise tant qu'à faire, et que la seule chose qui occupait mon esprit à cet instant était de partir le plus loin possible de la scène, de peur qu'il "marque son territoire" à proximité, une nouvelle fois et/ou de peur de glisser dans la boue et tomber dedans. La Route du Rock essaie visiblement de concurrencer les TransMusicales dans la catégorie "cadavres déjantés".


Pas la peine d'y aller par quatre chemins pour décrire le concert de The National, tant deux mots suffisent amplement : gracieux et imposant. Gracieux, car la voix et le charisme de Matt Berninger à eux seuls vous laissent bouche bée, impressionné, planté comme un piquet, piquet qui s'enfonce d'ailleurs toujours dans la boue. Et imposant car le groupe envoie à la fois énormément de son et d'énergie en live, malgré l'aspect parfois tristounet de leur musique aux premiers abords (et ce n'est pas l'ouverture avec la -apparemment- très rare Runaway qui aurait laissé présager une telle chose). Bref, on sort de là un peu chamboulé, et c'est ce qui s'appelle s'être pris une claque.

Je l'avoue, devant l'annonce de deux heures de concert des Flaming Lips, j'ai pris peur. Re-situons le contexte : il est 1h du matin, c'est le troisième soir de festival, il ne pleut plus mais la boue est toujours là, mes pieds sont humides, j'ai faim, chaud, soif et mal aux pattes. Bref, une heure de Flaming Lips, c'est bien aussi, après un verre et une pause transat à l'espace presse. Et au final, je n'ai rien loupé, puisque tout était encore là : le ballon géant qui va dans la foule, les gens déguisés en peluche géante qui dansent sur la scène, les confettis par milliers qui restent accrochés dans les lumières de la scène, et les discours interminables du chanteur entre deux morceaux, tantôt sur la paix, tantôt sur la guerre. On se serait d'ailleurs bien passé de ses longs speechs, ne servant globalement à rien à part à faire perdre de l'élan au concert.




3h30. C'est l'heure du dernier concert du festival, et c'est The Rapture qui s'y colle. Là, les programmateurs ont vu juste, parce que l'électro pop des américains réussi le grand exploit de faire danser le public, et pas qu'un peu, malgré les chaussures happées par la bouillasse et le risque de se vautrer magistralement de tout son long à chaque instant.
Malgré le temps ennemi, ces trois jours de Route du Rock auront tenu leurs promesses, comme on s'y attendait, encore pleins d'espoir, à notre arrivée en terre malouine deux jours plus tôt.



Photos : N'ayant pas eu accès à la fosse photographe cette année, on a donc décidé de se rabattre sur des images libres de droit de la VRAIE star du festival, la boue. (Photos non contractuelles de la RDR 2010).


2 commentaires:

Chloë a dit…

Les photos sont quand même énormes

Jr a dit…

Vous êtes dure avec Archie Bronson Outfit, c'est un groupe qui tourne depuis bien avant tout le trip indie rock kitsuné 2009-2010 et qui s'est fait reprendre pleins d'idées (musique et style). Pour moi, ce sont encore les meilleurs